Éclairage fin 2022 : bouleversement de l’équilibre mondial et du transport aérien

Inflation, remontée des taux… les indicateurs économiques affichent des niveaux sans précédent pour ces dernières décennies ! Retrouvez un éclairage sur le contexte global, puis une analyse de la situation du secteur aérien, pour mieux appréhender les enjeux du monde qui nous entoure. Bonne lecture !

L’année 2022 est marquée par un bouleversement de l’équilibre mondial.

L’activité économique mondiale est marquée par plusieurs chocs exogènes : sanitaire, géopolitique et climatique. Ce contexte entraine des tensions qui pèsent notamment sur les fournitures de matières premières, et créent un climat inflationniste. Dans cette situation, les banques centrales augmentent les taux d’intérêts, un changement majeur après 30 ans de baisse continue. Durant ces dernières années dans des conditions de taux bas, les Etats, les ménages mais aussi les entreprises se sont largement endettés[1] soutenant ainsi, jusqu’alors, la croissance. L’économie mondiale va connaître beaucoup de restructurations de dette causant des risques de déstabilisation des marchés, en particulier, financiers et immobiliers. Ces annonces de hausse de taux font craindre un ralentissement de l’activité économique ce qui induit des perspectives de croissance moindre.  Il faut cependant noter que, pour l’instant, le taux d’intérêt réel, corrigé de l’inflation est négatif. A moyen terme, les Etats vont donc bénéficier de la baisse des taux d’intérêt de ces dernières décennies.[2]

Sur fond de crise énergétique, l’Europe subit de plein fouet l’augmentation généralisée des prix. En France, en octobre 2022, les prix à la consommation augmentent de 6,2 % sur un an. Une inflation contenue par les politiques publiques de limitation des prix de l’énergie, alors que les prix de l’alimentation s’envolent. La croissance du dernier trimestre a été légèrement positive avec +0,2%, elle était de -0,2% au premier et +0,5% au second trimestre.

Dans ce contexte de resserrement monétaire et d’inquiétude sur les approvisionnements en énergie, l’INSEE prévoit une fin d’année plus incertaine avec une croissance nulle. L’année 2023 s’annonce donc plutôt morose en matière de croissance économique. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), malgré les revalorisations successives du SMIC et les mesures gouvernementales, le pouvoir d’achat pourrait reculer en 2022 et 2023.[3] Ce constat relance les débats autour du partage de la valeur, alors que la fortune des milliardaires « a augmenté davantage en deux ans de pandémie que lors des 23 dernières années »[4]. 

Reste à savoir, quels vont être les comportements des ménages et des entreprises en matière de voyages dans ce contexte, car le secteur du tourisme et de l’hôtellerie restauration ont connu un été 2022 très favorable. En effet, cette année a été une année de rattrapage en matière de séjours et l’envie de voyager des français reste cependant très forte pour 2023. Selon Tourlane, 81% des sondés déclarent « très probable » ou « assez probable » qu’ils voyagent en 2023[5].

Le transport aérien retrouve une dynamique positive…

Selon IATA, en août dernier le trafic aérien mondial a atteint 73,7% du niveau pré-pandémique de 2019[6]. La reprise est toujours freinée par des restrictions de voyages en Asie, et particulièrement en Chine. Le niveau du trafic européen était de 87,7% du niveau d’août 2019, selon les données d’Eurocontrol[7]La France est dans la moyenne européenne, la situation du trafic aérien est de -9,4% en août et -12,2% en septembre 2022 en comparaison à 2019.

Lors de la crise sanitaire, le cargo a été une réelle opportunité de soutien de l’activité, bousculant Les structures de revenus des compagnies aériennes. Le cargo au niveau mondial affiche toujours une bonne performance malgré une légère baisse. La demande mondiale, a diminué de 9,7% en juillet et 8,3% en août 2022 par rapport à 2021[8]. L’activité de fret aérien a légèrement diminué mais reste importante et montre une certaine résilience dans un contexte d’incertitude économique.                                        

Les aides d’Etat ont permis à la majorité des compagnies aériennes de sortir de la crise avec pour contreparties des plans de rationalisation. Les compagnies aériennes sortent donc de la crise en ayant revu leurs flottes et réduit les masses salariales. Entre 2019 et 2021, KLM a baissé ses effectifs de 17%, Air France 13%, IAG et le Groupe Lufthansa de 21%. Elles ont également évolué en termes de flexibilité des plans de vols et de leurs activités.

Air France avec un résultat d’exploitation de 570 M€ au troisième trimestre renoue avec un résultat positif et fait mieux que ses concurrentes. Malgré la hausse du pétrole et grâce à la baisse de son coût unitaire largement permis par la baisse de la masse salariale, Air France a su tirer profit de la période estivale cruciale dans un contexte de forte demande. Cependant, elle avait peu de capitaux propres au début de la crise et reste fortement endettée. A ce jour, la compagnie annonce devoir faire 10 trimestres comme celui-ci pour se sortir de sa situation. Au total, il faudrait environ 8 Mds€ afin de rembourser les dettes et résoudre le déséquilibre des capitaux propres.

… mais fait face à de nombreux défis !

Attendons cet hiver pour observer si cette bonne lancée se poursuit et si la demande de voyages se maintient. Surtout qu’à court terme, les compagnies aériennes font face à l’inflation des prix de l’énergie, aux tensions avec les sous-traitants, à la pénurie de main d’œuvre et la menace d’une récession. De plus, avec l’appréciation du dollar par rapport à l’euro, « les compagnies aériennes européennes se trouvent face une hausse des charges puisque 42% des coûts des transporteurs sont en dollars»[9] D’un autre côté, le dollar élevé incite les américains à davantage voyager vers l’Europe. Les low-costs sont plus désavantagées que les majors car elles ne peuvent pas répercuter aussi bien l’augmentation des prix sur les billets. Selon la DGAC, le prix des billets au départ de la France toutes destinations confondues a augmenté de 21,6% au cumul depuis le début de l’année.

Cette année marque également la signature et l’annonce du plan de neutralité carbone d’ici 2050 pour le transport aérien. Une récente étude de IATA précise que 73% des passagers interrogés souhaitent que l’aviation priorise la réduction de son impact climatique. La question cruciale du climat est désormais prégnante. Les différents leviers d’actions pour le transport aérien sont de limiter le gaspillage, le renouvellement des flottes et les solutions alternatives.

En 2021, les compagnies ont acheté les 125 millions de litres de carburants durables disponibles. Air France-KLM a dernièrement signé « deux des plus gros contrats de fourniture de carburants durables jamais signés dans le secteur aérien – 1,6 million de tonnes au total, entre 2023 et 2036, soit plus de 2 milliards de litres »[10]. Cette initiative devrait permettre d’atteindre « 10 % de carburants durables d’ici à 2030 et de réduire de 30 % de ses émissions de CO2 à la même date ». Pour respecter l’engagement de neutralité de l’aviation, les estimations actuelles indiquent que les carburants durables représenteront 65 % de l’atténuation des émissions de carbone de l’aviation en 2050. Cela nécessiterait une capacité de production annuelle de 449 milliards de litres, sachant qu’il est estimé que la production sera de 30 milliards en 2030[11].

Dans le même temps, les carnets de commande des constructeurs sont en nette augmentation pour des avions qui ne présentent pas de révolution majeure en terme de consommation. De plus, la Chine se lance également dans la construction d’avions de ligne. En ce qui concerne le développement des avions, un des débats actuel est de savoir qui doit supporter le lourd coût de la R&D nécessaire, actuellement public et privé se renvoient la balle.

Rien que pour l’Europe, Eurocontrol estime que le trafic va poursuivre sa croissance dans les prochaines années, une tendance confirmée au niveau mondial. La prise en compte de l’urgence environnementale est encourageante, néanmoins, elle demande l’engagement de l’ensemble des parties prenantes institutionnelles et privées pour avancer de manière concrète.

Désormais les questions environnementales font également partie du dialogue social, il paraît donc fondamental de faire bouger les lignes. Un des enjeux majeurs est l’appréciation du temps. L’appréciation des temps politiques, économiques et sociales est différente. De fait, ce découpage favorise les actions de courts-termes et remet souvent à plus tard les enjeux importants voir colossaux. De plus, les mesures économiques traditionnelles prennent mal en compte les défis environnementaux ; un travail est à faire sur la création et le suivi de nouveaux indicateurs. Cependant, les parties prenantes sont peu accompagnées sur les différents sujets, insuffisamment de programmes de formation à destination des acteurs du dialogue social sont aujourd’hui disponibles.

En ce qui concerne le dialogue à Air France, il semble que le prochain RI du CSEC devrait intégrer, un espace d’échange dédié aux enjeux du climat, au travers la création d’une commission dédiée. Un dialogue entre la direction et les représentants des salariés permettra d’ouvrir les possibilités de réflexions et d’actions sur le sujet crucial du climat.

[1] Selon les calculs du Fonds monétaire international, en 1970, la dette mondiale totale (États, entreprises et ménages) dépassait légèrement 100 % du produit intérieur brut (PIB) ; en 2007, elle frôlait 200 % ; aujourd’hui, elle dépasse 250 % (226 000 milliards de dollars). www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/23/avec-la-hausse-des-taux-d-interet-l-economie-mondiale-entre-dans-une-nouvelle-ere_6147010_3234.html

[2]www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/23/avec-la-hausse-des-taux-d-interet-l-economie-mondiale-entre-dans-une-nouvelle-ere_6147010_3234.html

[3]www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/le-pouvoir-dachat-des-francais-pourrait-connaitre-deux-annees-consecutives-de-baisse-1868311

[4] www.oxfamfrance.org/rapports/

[5] www.tourlane.fr/tendance-voyage/

[6] www.iata.org/en/search/?search=global%20air%20trafic

[7] www.eurocontrol.int/service/european-ais-database

[8] www.iata.org/contentassets/00420ce1716d48a19e42034c4ab17219/2022-10-06-01-fr.pdf

[9] www.tourmag.com/Hausse-du-dollar-quelles-consequences-sur-le tourisme_a115750.html

[10]www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/air-france-klm-commande-record-de-carburants-durables-1872840

[11] www.iata.org/en/pressroom/2022-releases/2022-06-21-02/

A propos du service analyses économiques et sociales

La mission du service analyses économiques et sociales se décline en trois activités : accompagnement des commissions et sessions centrales ; Information des salariés en matière d’actualités économiques et sociales ; Assistance du Bureau du CSEC.