Contexte
L’inflation dans la zone euro continue de grimper, les prix à la consommation ont progressé de 5,1 % en janvier[1]. Cette augmentation générale des prix est fortement entrainée par l’évolution des prix de l’énergie. Les pressions sur les prix de l’énergie sont liées à la reprise économique soutenue d’une part et d’autre part à un contexte géopolitique incertain au frontière de l’Europe avec l’attaque de la Russie en Ukraine. L’augmentation des prix de l’énergie combinée à des taux d’emprunt historiquement bas crée les conditions de ce contexte inflationniste.
Plus spécifiquement concernant le secteur aérien, la crise sanitaire a entrainé des changements de comportement durable chez les voyageurs. Les voyageurs affaires longues distances européens et américains annoncent vouloir baisser leurs déplacements de -24%[2] au profit de l’utilisation des outils digitaux. Toujours selon le cabinet Roland Berger, la baisse de la demande pour les voyages affaires pourrait faire perdre entre 5 et 8% d’EBITDA[3] aux grandes compagnies européennes. Les voyageurs affaires étant des clients permettant des marges importantes, les compagnies comme Air France sont particulièrement affectées par cette baisse de la demande. Les compagnies low-cost davantage orientées vers les clientèles loisirs font preuve de plus de résistance, même si les voyageurs loisirs déclarent également voyager moins, en particulier la clientèle chinoise. Certaines destinations touristiques tendent à retrouver de l’attractivité surtout sur l’axe Europe-Amérique du nord.
Zoom : guerre en Ukraine
A ce stade, les conséquences économiques de la guerre en Ukraine restent modérées pour la compagnie. Tous les vols concernant Moscou et Saint Pétersbourg sont actuellement annulés. Air France ne survole plus la Russie mais vole plus au sud par le Kazakhstan. Cependant, du fait de la crise sanitaire, le nombre de fréquences hebdomadaires Japon/Chine est exceptionnellement faible. Cette situation engendre donc des surcoûts de carburant et d’entretiens liés à l’allongement des temps de vol. Il est également nécessaire d’adapter les compositions d’équipage avec l’augmentation du nombre d’heures de vol. La baisse de la charge offerte a un impact sur la recette du fret.
A savoir, chaque survol de la Russie inclut une taxe qui est indépendante des redevances classiques. Cette non dépense ne couvre pas pour autant les surcoûts.
Trafic passager
Si l’impact reste modéré pour Air France, les assureurs d’avions font face à une situation sans précédent : près de 500 Airbus et Boeing appartenant à des loueurs américains et européens sont retenus en Russie[4]. Face au aux sanctions occidentales interdisant de louer des avions aux compagnies aériennes russes, le gouvernement a réagi en autorisant ces dernières à s’approprier les avions en question. Cependant, ces appareils ne peuvent pas franchir les frontières.
*Pour l’année 2021 comparaison par rapport à l’année 2019.
Trafic cargo
Le cargo à l’inverse s’est fortement développé durant la crise sanitaire, en 2021, son volume a été supérieur de 7% à celui transporté en 2019. Les prévisions de croissance sont de l’ordre de 5% pour l’an prochain. L’explosion du commerce en ligne et du prix des transports maritimes et la baisse du trafic soute des avions de ligne favorisent cette croissance qui a engendré une hausse de la rentabilité.
*Pour l’année 2021 comparaison par rapport à l’année 2019.
Perspectives
La crise sanitaire et économique oblige à repenser le modèle économique et stratégique actuel des compagnies aériennes concernant l’offre, l’aménagement des cabines, les programmes de fidélité… Pour exemples, British Airways vient de signer un partenariat avec eDreams et ODIGO, des spécialistes du voyage en ligne, afin de diversifier son offre avec des services annexes. Aux Etats-Unis, Spirit Airlines et Frontier viennent de fusionner pour créer une compagnie ultra low-cost qui devient le 5ème transporteur de la région.
Les compagnies sortent de la crise en ayant rationalisées leurs flottes et réduit les masses salariales. Elles ont également renforcé la flexibilité des plans de vols et de leurs activités. Seulement les économies sur la masse salariale ne sont pas la solution pour se développer et rester attractives. En effet sur ce sujet, depuis quelques semaines, de nombreuses compagnies à bas coût ont annoncé des préavis de grève comme Vueling, Ryanair ou encore Volotea pour dénoncer les conditions de travail. Il est donc nécessaire de trouver des revenus à travers des services et offres innovantes pour les passagers comme des offres touristiques ou des revenus annexes. La prise en compte de l’impact environnemental et les nouvelles technologies vont jouer un rôle majeur dans l’avenir du transport aérien. Repenser au-delà des économies financières et créer une politique de l’offre visionnaire adaptée aux besoins permettra de redonner du sens aux métiers des compagnies.
[1] Augmentation sur un an selon Eurostat.
[2] Selon Didier Brechemier, Senior Partner Transport chez Roland Berger https://www.journal-aviation.com/actualites/46471-la-baisse-de-la-demande-affaires-pourrait-faire-perdre-entre-5-et-8-d-ebitda-aux-grandes-compagnies-europeennes—didier-brechemier-senior-partner-chez-roland-berger
[3] Le sigle EBITDA signifie en anglais Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization. Il s’agit d’un indicateur financier américain qui vient mesurer la rentabilité financière du cycle d’exploitation d’une entreprise, autrement dit de son processus de production.
[4] « Le hold-up de Poutine sur les avions occidentaux, choc sans précédent pour les assureurs aviation » journal Les échos 28 mars 2022